Carte blanche – Par la Coalition Santé – publiée le 21/12/2023 – Le Soir
Nous n’acceptons pas la petite musique actuelle qui fait incomber à une responsabilité individuelle le caractère dit « insoutenable » de la Sécurité sociale. Au contraire, nous attendons des femmes et hommes politiques un sursaut et l’acceptation d’une réalité implacable : la bonne santé des personnes est la somme des impacts de nombreux déterminants sociaux sur lesquels nous n’avons pas ou peu de prise en tant que personne. La Santé est toujours le résultat d’un nombre important de facteurs dont la grande majorité ne sont pas liés aux soins de santé : par exemple, avoir un logement décent et chauffé, avoir une satisfaction et sécurité professionnelle, avoir la capacité de s’investir dans l’associatif ou d’accéder à des services publics ou à des activités de loisirs et socioculturelles, ne pas vivre dans un environnement pollué ou avoir des revenus suffisants pour pouvoir se nourrir sainement et se déplacer… Le bien-être de la population est par conséquent d’abord et avant tout une responsabilité collective, publique et politique.
Mais la crise climatique que nous traversons actuellement pourrait nous pousser à nous demander : « A quoi bon être en bonne santé sur une planète malade ? ». Or cette crise démontre la façon dont la santé des personnes dépend du climat. Diffusion des maladies infectieuses, vagues de chaleur, incendies rappellent l’importance de l’idée de l’interdépendance de la santé publique, de la santé animale et de l’environnement.
D’une part, il faut donc intimement considérer la santé des populations au regard de son éco-système et la manière dont nous en prenons soin, ou pas ! Et d’autre part, face à la prolifération de ces problèmes, considérer que la sécurité sociale joue à nouveau son rôle fondamental dans la défense du droit de chaque personne à la bonne santé.
La santé dans toutes les politiques
Partant de ces constats, nous demandons aux partis et responsables politiques de penser toute politique (éducation, travail, culture, aménagement du territoire, mobilité, économie, alimentation…) à partir de son impact sur la qualité de santé des populations. Mieux, nous attendons de chaque ministre (actuel et futur) qu’il ou elle s’engage à améliorer la santé et le bien-être des personnes par le biais de ses compétences. C’est le principe de « La santé dans toutes les politiques ». Un principe de gouvernance qui se doit également de prendre en compte le critère d’équité et de lutter, par-là, contre les inégalités sociales de santé : nous ne pouvons nous résoudre à accepter que des personnes soient en mauvaise santé à cause de leurs conditions sociales, culturelles et économiques.
Malgré l’importance des facteurs non strictement médicaux dont dépend la santé des personnes, nous restons convaincus de l’importance de l’accessibilité des soins de santé. Celle-ci est multifactorielle. Les soins de santé accessibles sont des soins sensibles aux problèmes de santé des personnes et aux réalités sociales qu’elles vivent ; des soins disponibles géographiquement et temporellement ; des soins dont le coût ne constitue pas un obstacle pour les personnes.
Même si, théoriquement, le droit à la santé est bien garanti par la législation belge, nous constatons sur le terrain que de trop nombreuses personnes n’accèdent pas aux services de soins, telles que les personnes en séjour irrégulier ou encore des populations vivant dans des zones rurales éloignées des institutions de soins.
Adapter l’offre aux besoins
Elle requiert donc des actions multiples et articulées. En tête, une meilleure planification de l’offre dans les bassins de vie corrélée aux besoins réels des personnes. La pandémie a démontré à quel point il est essentiel de mieux coordonner notre système de soins, de le construire à partir d’une première ligne de soins forte, pluridisciplinaire, accessible, et qui envisage la santé de manière globale. Cette adéquation de l’offre aux besoins dépend notamment de la disponibilité de personnel, gros cailloux dans la chaussure du système de santé. Plus que jamais, il est nécessaire de réenchanter les métiers en pénurie de l’aide, du social, du soin, de la prévention et de l’éducation et de garantir au personnel des conditions de travail dignes et décentes. C’est à nos yeux un enjeu majeur, de santé publique !
Mais quand bien même nous améliorerions la Gouvernance des politiques publiques via le principe de la santé dans toutes les politiques (1), réinvestirions dans les soins de Santé de la première ligne d’aide et de soins (2), réenchanterions les métiers en pénurie (3)… l’Etat doit également être en capacité de prévenir (4) ! Or la Belgique est tristement en queue de peloton des pays de l’OCDE en matière d’investissement financier dans la prévention et la promotion de la santé (24e sur 27 pays). L’adage le dit « Mieux vaut prévenir que guérir ».
Nous appelons donc à des investissements massifs dans les politiques qui permettent, en amont du système curatif, de renforcer la santé des personnes. C’est l’action combinée de ces quatre dimensions qui aura un réel impact sur la qualité de vie des personnes et qui évitera, à terme, que notre Sécurité sociale – dans laquelle il faut continuer d’investir solidairement pour couvrir les enjeux du vieillissement de notre population et de l’augmentation du nombre de malades chroniques – ne soit comparable au tonneau des danaïdes.
Le besoin d’un Etat visionnaire
Enfin, en outre d’un Etat Régulateur, Prévenant et Protecteur, nous avons besoin en amont et avant tout d’un Etat Visionnaire. Nous devons fixer notre ambition à court, mais surtout à moyen et long terme en définissant collectivement des objectifs de santé publique en bonne intelligence entre tous les gouvernements, la société civile, les chercheur·euses, les corps intermédiaires et les citoyen·nes. Des objectifs concrets qui s’imposent, se déclinent dans toutes les politiques et qui transcendent et dépassent le temps politique, c’est-à-dire le temps d’une législature. Des objectifs de santé publique qui assurent, garantissent, symbolisent le fait que la santé est un bien commun, un droit fondamental qui n’est pas le résultat de jeux politiques et/ou une variable d’un ajustement budgétaire. Et pour viser une meilleure qualité de vie pour toutes et tous, ces objectifs ne peuvent se heurter aux limites de la structure de l’Etat. Aussi, ça n’est pas d’une 7e réforme de l’Etat dont nous avons en priorité besoin mais bien d’un plan interfédéral ambitieux en matière de santé publique, seule chance de réussite.
Nous sommes exigeants car la question de la santé ne peut se satisfaire de réponses mollassonnes. Nous sommes cependant optimistes et gageons que l’après 2024 verra le système de santé se transformer et passer d’un système centré sur les symptômes et la maladie à un autre, dont la référence n’est plus la maladie mais le bien-être. Pour que tout le monde puisse #vivre mieux !
*La Coalition Santé, connue jusqu’ici comme la Plateforme d’action santé-solidarité, est née en 2007 sous l’impulsion d’acteurs·rices issu·e·s d’horizons divers, toutes et tous préoccupé·e·s par le droit à la santé. Ces acteurs et actrices ont décidé d’unir leurs forces afin de prévenir les conséquences des politiques néolibérales sur les plans social et sanitaire. La Plateforme a récemment fait peau neuve en renouvelant ses instances et en changeant de nom. Elle réunit aujourd’hui des représentant·e·s de mutuelles (Solidaris, Mutualité Chrétienne), de syndicats (CSC, FGTB), du secteur associatif (Fédération des maisons médicales, Médecine pour le peuple, Fédération des Services Sociaux, Réseau belge de Lutte contre la pauvreté, etc.) et d’ONG (Médecins du monde, Oxfam Solidaire, etc.)
Signataires :
Personnalités académiques : Absil Gaëtan, Maître assistant Département social et Labocs (Haute école libre Mosane) ; Adam Stéphane, Professeur ordinaire – spécialisation en psychologie du vieillissement (ULiège) ; Arrazola De Onate Wouter, Arts-onderzoeker public Health ; Belche Jean-Luc, Département de Médecine Générale (ULiège) ; Berquin Emmanuelle, Médecin Généraliste ; Bouland Catherine, Professeure en santé environnementale et Présidente de l’Ecole de santé publique (ULB) ; Bouüaert Corinne, Chargée de cours honoraire Faculté de Médecine Département des sciences cliniques (ULB) ; Castetbon Katia, Professeure d’épidémiologie à l’école de santé publique et directrice du SIPES (ULB) ; Dauvrin Marie, Chargée de recherches et professeure invitée – IRSS & FSP (UCL) ; De Cock Florence, Assistante et doctorante en sciences de la motricité (ULiège) ; De Maesseneer Jan, Prof Em. huisarts / Vakgroep Volksgezondheid en Eerstelijnszorg (UGent) ; De Maesschalck Stéphanie, Faculty of Medicine and Health Sciences, Department of Public Health and Primary Care (UGent) ; Debruyne Pascale, Medewerker Kenniscentrum HIG en Lid Onderzoeksgroep Sociaal-Agogisch Werk aan de Odisee Hoge school (mensenrechten en migratie) ; Delruelle Edouard, Professeur de philosophie politique (ULiège) et Président de Solidaris ; Delvaux Anne, Enseignante, Centre d’Etude et de Recherche en Kinanthropologie (ULiège) ; Demonceau Céline, Doctorante, Faculté de Médecine Département des sciences de la santé publique (ULiège) ; Demoulin Christophe, Chargé de cours, Faculté de Médecine Département des sciences de la motricité (ULiège) ; Fauquert Benjamin, Médecin généraliste et Département de médecine générale (ULB) ; Ferrant Louis, Bijzonder academisch personeel van het Centrum Huisartsgeneeskunde (Universiteit Antwerpen) ; Godin Isabelle, Professeure à l’École de santé publique et directrice du Centre de recherches Approches Sociales de la Santé (ULB) ; Henrard Gilles, Maître de conférence à la faculté de médecine (ULiège) ; Hody Stéphanie, Logisticienne de recherche en physiologie et biochimie de l’effort physique, Faculté de Médecine Département des sciences de la motricité (ULiège) ; Jidovtseff Boris, Professeur, Faculté de Médecine Département des sciences de la motricité (ULiège) ; Klein Olivier, Professeur ordinaire de psychologie sociale et directeur du centre de psychologie sociale et interculturelle (ULB) ; Leroy Raphaël, Assistant et doctorant Faculté de Médecine Département des sciences de la motricité (ULB) ; Macq Jean, Professeur à la Faculté de santé publique – IRSS (UCL) ; Mahieu Céline, Professeure à l’Ecole de Santé publique, au sein du Centre de recherche en approches sociales de santé (CRISS) (ULB) ; Pagnoulle Christine, Chargée de cours honoraire (ULiège) et représentante d’ATTAC Liège ; Paul Elisabeth, Directrice du Centre de recherche « Politiques et systèmes de santé, santé internationale – Ecole de santé publique (ULB) ; Pétré Benoit, Chargé de cours au Département des Sciences de la Santé publique (ULiège) ; Racapé Judith, Enseignante-Chercheuse en épidémiologie sociale, santé et précarité à l’Ecole de santé publique(ULB) ; Rea Andréa, Professeur de sociologie (ULB) et directeur du GERME ; Remmen Roy, Gewoon Hoogleraar Huisartsgeneeskunde UA ; Tooth Camille, Kinésithérapeute, Faculté de Médecine Département des sciences de la motricité (ULiège) ; Van Durme Thérèse, Coordinatrice francophone de la Chaire interdisciplinaire de la première ligne (BeHive) et Institut de Recherche Santé et Société (IRSS) (UCL) ; Wolfs Sébastien, Kinésithérapeute indépendant ; Yserbyt Vincent, Professeur de psychologie (UCL).
Organisations : Allart Murielle, Co-directrice du SMES-B ; Beaufort Sylvain, Président de l’Association Professionnelle Francophone des Infirmiers Spécialisés en Santé Communautaire (APFISCO) ; Thierry Bodson, Président de la FGTB ; Boland Zoé, Coordinatrice de la Fédération bruxelloise de promotion de la santé ; Bonte Stephaan, Directeur van Artsen Zonder Vakantie ; Crapez Sophie, Coordinatrice de Comme chez nous ; D’Ursel Laurent, Secrétaire du Syndicat des Immenses ; Darras Christian, membre de la Coalition Santé ; De Hey Siméon, Directeur de la Fédération des Associations Sociales et de Santé (FASS) ; De Kuyssche Nicolas, Directeur de Le Forum – Bruxelles contre les inégalités ; De Liamchine Sarah, Présidente de Solidaris Wallonie et codirectrice de Présence et Action Culturelle ; Déjou Frédéric, Co-coordinatrice et responsable de projets de Les Pissenlits ASBL ; Raf De Weerdt, Federaal Secretaris van ABVV ; Defeyt Philippe, Economiste, co-fondateur et membre du Conseil d’administration d’Institut pour un Développement Durable (IDD) ; Dubois Fanny, secrétaire générale de la Fédération des Maisons Médicales ; Duterme Bernard, Directeur du Centre Tricontinental ; Estenne Ariane, Présidente du Mouvement Ouvrier Chrétien (MOC) ; Favresse Damien, Coordinateur du Centre bruxellois de promotion de la santé (CBPS) ; Flies Raoul, Coördinator van Links Ecologisch Forum ; Genet Michel, Directeur Général de Médecin du monde ; Godin Jean-Noël, membre de la Coalition Santé ; Guémas Marion, Coordinatrice plaidoyer et recherches de I.Care.; Hachem Ramii Yahyâ, Directeur de la Ligue bruxelloise pour la santé mentale ; Hermesse Jean, Ancien secrétaire général des Mutualités Chrétiennes ; Heymans Stéphane, Directeur général de la Centrale de soins et de services à domicile Bruxelles ; Hoxhaj Emila, Présidente de la Fédération des étudiant·e·s francophones ; Kemajou Françoise, Directrice de Pour la Solidarité ; Labille Jean-Pascal, Directeur général de l’Union nationale des Mutualités socialistes – Solidaris ; L’équipe de l’Observatoire belge des inégalités ; Lanois Sophie, Directrice politique de la LUSS (Ligue des usagers des services de santé) ; Leclercq Stéphane, Directrice de la Fédération drogues addiction (Féda BXL) ; Leclercq David, Directeur de la Fédération Laïque des Centres de planning Familial (FLCPF) ; Léonard Jean-Marie, représentant d’Atelier Santé de Charleroi ; Leterme Cédric, Chargé d’études au Groupe de Recherche pour une Stratégie économique alternative – Gresea ; Levêque Arnaud, Secrétaire fédérale de la centrale générale de la FGTB ; Mahy Christine, Secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté (RWLP) ; Mannaerts Denis, Directeur de Culture et Santé ; Meeus Philippe, Directeur d’Alzheimer Belgique asbl ; Mortier Quentin, Co-pilote de la Fédération d’économie sociale SAW-B ; Musette Valentine, Directrice de Brusano ; Nieuwenhuis Céline, Secrétaire générale de la Fédération des Services Sociaux (FDSS) ; Pollet Fanny, Directrice de VivaSalud ; Remy Olivier, Algemeen Coördinator non-profit van ACV PULS ; Robeet Sébastien, Secrétaire national de la CNE ; Roland Michel, Directeur du Projet Lama ; Rolin Claude, Président de la Mutualité Chrétienne Francophone et Germanophone ; Ronse Janneke, Directrice de médecine pour le peuple ; Staelens Amandine, Représentante de l’Atelier Santé de Charleroi ; Szoc Edgar, président de la Ligue des Droits humains ; Tordeur Guy, Président du BAPN (Réseau belge de lutte contre la pauvreté) ; Unger Jean-Pierre, membre de la Coalition Santé ; Van Belle Elies, Algemeen directeur van Memisa Belgium ; Van Erps Noémie, Secrétaire générale de Soralia ; Van Heetvelde Werner, Algemene Centrale Voorzitter van ABVV ; Van Hooste Els, directeur van BHAK (Brusselse huisartsenkring) ; Vanhessen Christine, Directrice de la Fédération des maisons d’accueil et des services d’aide aux sans-abri (AMA) ; Verleyen Veerle, Adjunct-Algemeen secretaris van ACV PULS ; Verzele Gaël, Directeur général de la Fédération aide et soins à domicile (FASD) ; Willaert Alain, coordinateur général du Conseil bruxellois de coordination sociopolitique (CBCS) ; Wouters Peter, Voorzitter van beweging.net.